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Recenser et analyser les victimes de la police, avec Ludo Simbille

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Un podcast publié le 02/08/2023 à 17h
répression

En avril 2023, de passage à Paris, Micros-rebelles en a profité pour interviewer le journaliste Ludo Simbille. Depuis 2013 et à partir des données compilées par Maurice Rajsfus ou encore des collectifs Vies volées et Urgence Notre Police Assassine, Ludo Simbille co-produit pour le média Basta! une base de données ayant recensé 861 personnes tuées entre 1977 et 2022 « suite à l’action des forces de l’ordre ». Cette base de données part de l’idée suivante :

« Les forces de police et de gendarmerie ont pour mission d’assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions. À ce titre, elles disposent du pouvoir de recourir à la force et d’utiliser leurs armes à feu, dans des circonstances précises. Ce pouvoir, conféré par l’État, occasionne des morts. Qui sont-ils, pourquoi et comment sont-ils tués ? Dans quelles conditions l’action des forces de l’ordre se révèle-t-elle fatale ? »

Dans le podcast à l’écoute, Ludo Simbille revient sur son parcours, ce qui l’a amené à produire cette base de données, à recenser les personnes tuées par les forces de l’ordre, à étudier les circonstances dans lesquelles ces morts surviennent et à analyser les récurrences :

Extrait :

« Mon objectif, c’était de comprendre cette impunité policière, si elle était réelle ou pas. Et j’ai raisonné comme n’importe quel journaliste, j’ai essayé de recouper les faits, et notamment les chiffres. Sauf qu’il n’y avait pas de chiffres. (…) J’ai contacté le Ministère de la Justice, de l’Intérieur et en fait… ils ne me donnaient pas d’éléments. Heureusement, il y avait les travaux de Maurice Rajsfus, donc j’ai pu avoir quelques éléments, mais toujours est-il qu’à partir de ça, j’ai commencé à noter tous les cas que j’avais en tête et que je retrouvais pour étayer mon propos, pour voir si il y avait effectivement une impunité et quelle était l’ampleur du phénomène entre guillemets. Il y avait certains blogs qui recensaient des choses… Mais très vite les pages se sont noircies - les pages papiers - en écrivant les noms. Et je me suis dit : n’en restons pas là, essayons de comprendre dans quelles circonstances les gens meurent, pourquoi, et quelle est la suite judiciaire qui est donné à ça. Ça a commencé à peu près comme ça ».

Recenser les victimes, c’est dépasser l’idée régulièrement mobilisée dans les médias de « bavure ». Comment expliquer qu'en une dizaine d'années, le nombre de victimes des forces de l'ordre recensées chaque année a quasiment doublé, passant d'une vingtaine à près de 50 depuis trois ans ?

Extrait :

« Comme dirait Maurice Rajsfus, qui est donc un historien de la répression, qui a ouvert la voie sur ces questions-là, quand je l’avais interrogé à l’époque, il m’avait dit : "Il n’y a pas de règle". C’est-à-dire qu’il n’y pas de règle sur l’incidence de la politique sur le nombre de morts et selon les années. Il n’y a pas de règle, mais il y a des tendances. Donc effectivement, vous allez avoir des années où il y a des pics de morts, et d’autres années où il n’y en a moins, et vous n’allez pas savoir qu’est-ce qui justifie ça. Par exemple, il y a plusieurs années électorales où il y a des pics, et d’autres où il y a moins de morts. Mais ce qui est sûr, c’est que depuis 2010, ça augmente, ça augmente sensiblement, notamment, on est plutôt autour de 20-25 morts. Depuis 3-4 ans, ça augmente davantage, on est plutôt entre 30 et 50. »

Pour aller plus loin, vous pouvez consulter la base de données de Basta! : https://basta.media/webdocs/police/ , la méthodologie de la constitution de ce recensement : https://basta.media/pourquoi-une-base-de-donnees-sur-les-violences-policieres-letales-notre ainsi que les articles de Ludo Simbille : https://basta.media/Ludo-Simbille

Belle écoute !

Crédit photo : capture d'écran du site de Basta!